Parc national de Monument Valley

Mon petit appareil est assez bon lorsque la lumière est franche. Mais aux limites matinales et vespérales, il est décevant. A ces moments, je regrette mon gros Nikon. Nous avons quitté Monument Valley ainsi que les bungalows qui nous ont recueillis pour la nuit, et nous voilà partis en direction du Lac Powell, un lac artificiel de 300 km derrière un barrage arcbouté sur une branche du Colorado. Le site est somptueux et j’écris sur la terrasse de ma chambre qui donne sur le lac.


La température n’est pas aussi torride que ce que le bon Patrick prédit chaque matin comme un bonze oraculaire. Tous les matins, en effet, il hausse les sourcils en nous annonçant, avec l’air de celui qui s’y connaît, que ce sera pénible. Rien qu’à cette idée, tout le monde démarre crispé.

Nous avons croisé un groupe de motards suisses qui arrivaient de Californie. Les passagères, nous ont-ils dit, défaillaient à 51 degrés. On verra ce que l’oracle de notre groupe nous prédira quand nous traverserons le désert. Pour l’heure, c’est supportable.

Mais la rencontre la plus intéressante fut celle de ce motard italien, qui est parti d’Alaska pour rejoindre New York. Il roulait sur sa propre BMW et il nous a confié que c’est la première fois que des motards roulant sur Harley l’avaient salué ! Un certain sectarisme règne parfois. Moi, vous me connaissez, pas de ça Lisette, je salue tout le monde, même les Harley !

Il a fallu 17 ans au Colorado pour remplir tout le canyon noyé par la rétention d’eau du barrage de Glen Canyon, et former ainsi le Lac Powell.

Depuis 2000, la région souffre d’une grande sécheresse et le lac est actuellement à son niveau le plus bas depuis sa mise en eau en 1980. Entre fin 2000 et fin 2004, ce niveau a baissé de 32 m.

Nos bungalows et le jour qui se lève sur Monument Valley
Nous avons quitté la 66 pour aller, durant trois jours, visiter des grands parcs. Aujourd’hui : Monument Valley.

J’avais jadis découvert le vrai visage de ce site majestueux grâce aux photos d’Ansel Adams, qui venait de nuit
avec une énorme chambre noire surprendre le rugueux des pierres sous la lune. Une splendeur absolue,
qu’aucune autre photo n’arrivera à égaler.

L’éblouissement – Je vous avais promis de revenir sur le temps du voyage à moto. Il arrive parfois, pas tous les
jours et de manière le plus souvent inattendue, un moment d’éblouissement à moto. Cela est dû à la réunion de
plusieurs facteurs : d’abord évidemment la route et le paysage, le bruit du vent dans le casque, le rythme de la
conduite et toute une série de petits éléments qui s’ajoutent et qui font que quelque chose s’endort en vous. Non
pas l’attention à la route ni à ce qui se passe, mais c’est comme si une musique intérieure grandissait. Un calme.
A ce moment, il ne faut pas s’arrêter, ne pas avoir de sons dans les oreilles, ne pas avoir quelqu’un sur le siège
arrière qui bouge ou qui vous parle. Car c’est la route qui roule en vous, et la moto, elle, ne roule plus ; non, elle
vole. Je vous jure qu’elle vole, et on entend rire les anges. Le temps qui passe est alors perçu tout autrement,
comme raccourci et plus dense. Une sorte de temps sans succession. Cet éblouissement est sans doute ce que
bien des motards ressentent et l’appellent autrement.

Si vous vous arrêtez souvent, si vous avez de la musique dans le casque, un intercom ou le son du gps, si vous
avez une personne sur le siège arrière qui parle, l’éblouissement n’arrive jamais.

Je garderai longtemps en mémoire ce moment où le soleil se couche alors que l’orage gronde au loin. Monument
Valley ou les mille couleurs du monde de l’Ouest.