Vendredi
Le désavantage des plaques interchangeables est qu’on oublie parfois de les installer sur la moto qu’on utilise.
Donc, je devais me rendre en Valais pour une réunion et on m’y attendait pour le repas de midi. Je reviens du travail sur la Bonneville et je charge la BMW. Me voilà parti. Après ¾ d’heure de route, un doute me gagne : ai-je changé les plaques d’immatriculation ? Oui, bien sûr ! Je le fais toujours, c’est même le premier geste au garage en arrivant ! Je continue donc de rouler, très vite parce que je ne suis pas en avance, mais par acquit de conscience, je m’arrête au bord de la route et je m’aperçois que je roule sans plaque en Haute-Savoie !
Il faut retourner à Genève. Je consulte ma montre et fais demi-tour tout en maugréant contre mon erreur. Mais je respecte scrupuleusement les vitesses. On n’avance pas vite. L’heure passe. Des voitures me font alors des appels de phare. Je comprends qu’il y a des pandores à proximité. Je ralentis mais, pas moyen de passer inaperçu sans plaque lorsque je serai sous leur nez.
J’avise effectivement deux motards bleus de la gendarmerie, arrêtés sur une vaste place de parking. Impossible de passer devant eux mine de rien : ils vont remarquer que je n’ai pas de plaque, me suivre, m’arrêter, me poser des questions – légitimes au demeurant -, peut-être m’amender, en tout cas m’obliger de laisser la moto sur place et d’aller chercher ma plaque dans mon garage ! A pieds !
Bon, je quitte la route et me gare juste derrière les deux motards de façon à masquer à leur curiosité l’arrière de ma machine. Il leur faudrait descendre pour remarquer mon oubli. Je mets pied à terre sous leur oeil indifférent et, en attendant leur départ, je fais semblant de téléphoner. Dix minutes. Vingt minutes.
L’heure tourne. Adieu rendez-vous, repas, veau, vache, cochon, couvée ! Mes deux pandores discutent entre eux tout en suivant le trafique devant leur nez. Moi, je suis assis derrière eux sur le talus, téléphone à la main.
Enfin, ils remettent leur casque, lancent le moteur. Pas de chance : ils prennent la direction de Genève. Que faire ? S’ils s’arrêtent plus loin, je ne peux pas recommencer le même cirque. Je les suis à bonne distance et voilà qu’ils s’arrêtent pour faire le plein. Je peux alors les dépasser et, penaud, rentrer à Genève.