Septembre 2007

Louis Aragon (1897 – 1982)

Le roman inachevé (1956) – La poésie est musique, musique avant toute chose, et celle d’Aragon chante comme nulle autre au XXe siècle. Dans ce recueil, qui est un peu le roman de sa vie, Aragon parle de sa jeunesse, de ses études, des jours passés, d’Elsa bien sûr, et de ses prises de position politiques. L’autocritique du XXe Congrès du Parti Communiste, la révélation des horreurs, ébranlent le PC français au comité central duquel Aragon a été propulsé par Thorez en 1950. C’est sur ce fond de tragédie collective et de remise en question que s’inscrit ce beau projet de roman inachevé.

La poésie est musique… L’ingéniosité, le talent, les inventions stylistiques, le charme puissant, la verve aragonienne qui disposent le lecteur à une sorte d’état de grâce magnifique, tout cela suffit-il à faire oublier, par ensorcellement, l’adhésion stalinienne que le poète a apportée à tant d’horreurs et qu’il a mis si longtemps à reconnaître ? On l’espère…


« Suffit-il donc que tu paraisses
De l’air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par ton chant
Elsa mon amour ma jeunesse »

p. 171
Jean-Pierre Vernant  (1914 – 2007)

Religions, histoires, raisons (1979) – Philosophe, historien, grand spécialiste de la Grèce antique, Jean-Pierre Vernant fut pour bien des gens un maitre, et un maître libérateur.

En Grèce s’est très tôt dégagée une pensée spécifique, en opposition avec tout ce que les autres peuples croyaient, une pensée politique (qui s’intéresse à l’organisation de la Cité) et rationnelle. L’intelligence humaine ne peut connaître que ce qui lui est semblable. Et si l’objet auquel elle s’applique est un objet changeant, comme la politique, inquiétant, rusé, elle doit se faire plus souple, plus polymorphe, plus rusée encore pour le saisir. Plus ambiguë que ce qu’elle tente de connaître. Aussi JP Vernant n’a-t-il lui-même jamais séparé son savoir théorique d’une application politique. Homme de culture et d’action, conteur lumineux, il est une voix qui remonte à la Résistance française et, bien plus loin, qui remonte à la Grèce antique.

Cet ouvrage insiste notamment sur le caractère universel du fait religieux.

« Quand il s’élève jusqu’aux cieux pour en ramener les images des dieux, l’artiste n’imite ni ne copie : il imagine. Dissociée de la mimêsis, la phantasia se voit ainsi attribuer ce même pouvoir de contempler l’invisible, de dépasser l’apparence en accédant au monde des Formes, que Platon réservait à la philosophie. »
p. 137

Patrick Besson (1956 –        )

Julius & Isaac (2007) – Dans une langue flamboyante, Besson nous plonge au coeur du monde du cinéma holywoodien, au moment de naissance du Particommuniste américain et, ensuite, du maccarthysme.
Deux frères ennemis juifs, Isaac Wirkowski et Julius Bloch, ont fondé ce parti révolutionnaire, sous l’oeil bienveillant et protecteur de Moscou.
Mais la chasse aux sorcières pousse Julius à changer de camp et à dénoncer son ami Isaac, qui tâtera de la prison. Puis il séduit sa fille, la très belle et intelligente Narcissa Wirkowski avec laquelle il aura une jolie petite Sarah, avant le drame.

Une fête du langage et de l’esprit, dans une structure astucieuse.


« Ce qu’il y a de pénible dans le fait de ne pas aimer quelqu’un, c’est qu’on pense beaucoup plus à lui que si on l’aimait, et il m’arrivait de décider d’aimer Bloch rien que pour me débarrasser de lui. Mais, au moment de décrocher mon téléphone pour l’appeler à Beverly Hills, un poids de cent kilos s’accrochait à mon poignet et je reposais le combiné. Idem quand je voulais lui écrire. J’ai su par la suite, grâce aux indiscrétions de Narcissa, qu’il arrivait la même chose à Bloch. Ni l’un ni l’autre nous ne pouvions nous résoudre à ne plus nous détester dans la passion, alors que nous avions tout pour nous aimer dans l’indifférence. »
p. 81