« Aussi, les endroits mornes et profanes de la périphérie des grandes villes révèlent-ils au motocycliste leur vacuité profonde qu’ils cachent le plus souvent au conducteur de voiture de passage. La parade marchande des affiches, les enseignes, les enfilades de tubes fluorescents des néons, les chaînes de restaurants fast-food, les supermarchés avec zones de lavage, les entrepôts, les interminables parkings, les magasins de meubles bon marché, les slogans accrocheurs ou les stations-service abandonnées, tout annonce que c’est là qu’on a dressé le temple de la misère culturelle. La rédemption par la barbarie marchande, en somme ; la sanctification garantie par l’achat ! Comme sur une bande dessinée, il est possible d’y lire les tristes exploits des constructeurs modernes qui ont enlaidi la banlieue. L’homme, même le plus fruste, ne supporte pas longtemps la laideur, qui finit par jouer sur son mental. Or, il s’agit en fait ici d’un enlaidissement tout particulier et reconnaissable entre mille : nous sommes en présence d’une mystique de la banalité. »
Extrait de « Rejoindre l’horizon », 2008
« Ces espaces tristes, faits de plastique et de tôle, ces zones sans âme qui transpirent l’ennui, attirent le jour une grande partie de nos contemporains, et deviennent, la nuit, l’envers du monde quotidien. Après le crépuscule, c’est le désert ; et les panonceaux sous des réverbères avares s’agitent en vain. La chaleur s’évapore avec le soir ; la nuit tourne, rapide. Sur le pont de l’autoroute, deux ou trois camions roulent encore, mais sans conviction. Ici, il n’y a personne à part quelques dealers en quête d’acheteurs, fidèles au poste, qu’il pleuve ou qu’il vente, et devant lesquels s’arrête parfois une voiture qui ne coupe pas son moteur, avant de repartir en trombe. C’est ici que la confrérie des bagnards volontaires pense découvrir, au fond d’une seringue, les mystères de l’univers. »
Extrait de « Rejoindre l’horizon », 2008
Exister c’est
résister
résister